Après trois ans de concertation, le conseil de Paris a adopté le 5 juin 2023 le projet de plan local d’urbanisme bioclimatique (PLU-B, ou Plan).
Il est actuellement soumis pour avis à l’Autorité environnementale, à l’État et aux autres personnes publiques associées (Région Île-de-France, Métropole du Grand Paris, chambres consulaires, Île-de-France Mobilités, SNCF) ainsi qu’aux communes limitrophes qui en feront la demande. Le PLU-B sera par la suite soumis au vote du Conseil de Paris fin d’année 2024 pour approbation et en vigueur au début de l’année 2025.
Le Plan consacre deux objectifs majeurs : atteindre en 2035 la barre des 40 % de logements publics, dont 30 % de logement social et améliorer la performance énergétique des nouvelles constructions.
Logements publics
Immeubles existants
La Ville entend recourir abondamment au dispositif du pastillage, lequel repose sur l’instauration de servitudes de mixité sociale sur des immeubles existants, obligeant les propriétaires à affecter une partie des surfaces en logements sociaux.
611 nouvelles parcelles sont ainsi concernées, portant ainsi à 1 000 le nombre d’emplacements réservés. L’étude desdits emplacements ne laisse aucun doute sur la volonté du Conseil de Paris de réduire le parc de bureaux : sur le millier d’emplacements réservés pour le logement, une large part concerne des actifs de bureaux, en particulier dans l’Ouest parisien. Plus précisément, sur les 249 pastilles recensées dans le QCA, 85 % portent ainsi sur des bureaux ou des actifs mixtes à dominante tertiaire.
Pour localiser les nouveaux immeubles pouvant accueillir la réalisation d’un programme de logements, plusieurs critères seront pris en compte : la monopropriété de l’immeuble ou du foncier, la taille minimale de la parcelle ou de l’immeuble, le potentiel de densification (surélévation, épaississement, etc), les contraintes techniques (disposition du bâti, etc), certaines parcelles se prêtant mieux à une transformation, ou encore la possibilité de créer de la pleine terre sur la parcelle.
Pour les projets de restructuration d’immeuble d’habitation de dans les secteurs déficitaires, le PLU-B prévoit par ailleurs l’abaissement du seuil de 800 m² d’obligation de logements sociaux à 500 m². Ainsi, le nouveau PLU impose que toute construction de logements de plus de 500 m² intègre 30 à 50 % de logements BRS et sociaux là où la proportion de logements sociaux est insuffisante. Le taux exigé de logements sera ainsi fonction du degré de carence en logements sociaux dans la zone où si situe l’immeuble.
- 30% de logements BRS dans les zones sans déficit de logements sociaux ;
- 35 % de logements sociaux dans les quartiers déficitaires
- 50 % de logements sociaux dans les quartiers hyperdéficitaires
Concrètement, toute demande d’autorisation d’urbanisme ne prévoyant pas l’affectation d’une partie des surfaces à la création de logements sociaux, selon les proportions fixées au PLU, se verra refusée.
A noter que le propriétaire d’un immeuble pastillé en vertu du PLU-B pourra mettre en demeure la ville d’acquérir le bien au prix de marché (articles L. 230‑1 et suivants du Code de l’urbanisme : droit de délaissement), sans tenir compte de la dévaluation induite par le pastillage. A ce titre, le budget des préemptions s’est vu doubler, passant de 200 à 400 millions d'euros (la hausse de la taxe foncière décidée fin 2022 permet de financer cette mesure). A défaut d’accord amiable sur le prix de vente du bien, le juge de l’expropriation pourra être saisi par le propriétaire ou la collectivité pour procéder à la fixation judiciaire du prix. Au final, si la ville renonce à acquérir le bien, le pastillage est levé et le bien conserve son usage de bureaux.
Conseil : compte tenu des contraintes importantes pesant sur les propriétaires et, indirectement, de l’altération de la valeur des biens visés, il est essentiel lors d’une acquisition de vérifier que le bien n’est pas concerné par ce type de disposition.
Immeubles à construire
Au-delà de la réglementation imposant cette mixité sociale au sein des immeubles existants, le PLU-B instaure une servitude fonctionnelle pour les immeubles à construire.
Il s’agit d’une servitude visant à imposer une part minimale de 10% de logement (social ou BRS) dans les projets de construction, de restructuration lourde ou de changement de destination, au-delà d’un seuil de 5 000 m² surface de plancher construit ou rénové.
Cinq cas de figure entraineraient en effet l’application de la servitude : construction neuve, restructuration lourde, extension, surélévation, changement de destination ou de sous-destination, surélévation.
Là encore, le PLU-B met également en lumière la volonté de la majorité municipale de réduire la place des bureaux à Paris.
Construction et aménagement
Le PLU-B instaure l’Urbascore, qui définit un nouveau cadre d’attribution d’un permis de construire, prenant en compte de nombreux critères comme le taux de végétalisation, le confort d’été ou la diversité des fonctions urbaines. Ce mécanisme se traduit par un dispositif réglementaire dans le PLU conditionnant la délivrance des autorisations d’urbanisme au même titre que les autres dispositions du règlement du PLU.
Un label sera aussi annexé au PLU et permettra d’établir une note globale aux projets. Au titre du confort d’été, par exemple, les protections solaires en extérieur seront rendues obligatoires et associées à l’arrêt de façades entièrement vitrées. Concernant le taux de végétalisation, sur toutes les parcelles de plus de 150 m², les projets immobiliers devront avoir une part croissante – jusqu’à 65 % – réservée à la pleine terre.
Les projets seront évalués sur trois thématiques (biodiversité et environnement ; programmation ; efficacité et mobilités) lesquelles contiendront chacune trois critères quantitatifs et qualitatifs (soit neuf critères au total). Pour obtenir l’autorisation d’urbanisme, les projets devront « surperformer », c’est-à-dire atteindre un seuil de performance majoré – sur trois des neuf critères, dans au moins deux thématiques. L’Urbascore a de quoi inquiéter compte tenu de la part de subjectivité qu’il va apporter.
Au-delà du principe même d’ajouter des règles aux règles du PLU, qui pose question, c’est la sécurité juridique des permis de construire en cas de recours qui risque d’être mise à mal, car on ne sait pas comment sera appréciée la surperformance.